Les contes de fées, thérapies pour les enfants

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conte thérapeutique thérapie pour enfants

S’adressant aux enfants et aux adolescents marqués par la souffrance psychique, la psychothérapie par le conte, directement inspirée de la psychanalyse des contes de fées de Bettelheim, permet de dénouer avec rapidité de nombreux conflits intra-psychiques.

Contenant indéniablement un message initiatique et donc, dans une certaine mesure, psycho-thérapeutique, le conte sert depuis longtemps à des thérapeutes, qu’ils soient d’obédiences freudienne ou ericksonienne, à traiter les problèmes psychologiques de l’enfance, voire de l’âge adulte.

Mais c’est une psychothérapie par le conte tout à fait spécifique qu’a mise au point Geneviève Raguenet en se référant, bien sûr, à Bettelheim, mais aussi en partie aux travaux de Mills et Crowley qui ont créé une technique interactive soulignant le centrage sur des processus psychiques inconscients, générateurs de symptômes.

Aussi, le conte thérapeutique de Geneviève Raguenet consiste-t-il en un genre littéraire tout à fait particulier, dans lequel il n’est pas question de raconter une histoire pour distraire ou faire plaisir, mais bien seulement pour exprimer, par une voie détournée, le problème à traiter, souvent de nature scolaire ou familial, mais aussi quelquefois psychosomatique.

 

Le partage émotionnel par le conte

« Ces histoires, qui abordent des problèmes humains universels, et en particulier ceux des enfants, s’adressent à leur Moi en herbe et favorisent son développement, tout en soulageant les pressions préconscientes et inconscientes.

Tandis que l’intrigue du conte évolue, les pressions du Ça se précisent et prennent corps, et l’enfant voit comment il peut les soulager tout en se conformant aux exigences du Moi et du Surmoi. »

Cette réflexion de Bettelheim indique bien, à elle seule, que le conte, surtout lorsqu’il se veut thérapeutique, au contraire de la fable morale telle que La Fontaine la concevait, ne s’adresse pas exclusivement au Surmoi.

La parabole non plus ne doit pas être confondue avec le conte, dans la mesure où elle tend à enseigner et consiste en un procédé linguistique plutôt qu’en un récit, alors que le conte, récit à part entière, viserait plutôt le partage émotionnel.

Ce sont en tout cas les distinctions auxquelles tient à se livrer Geneviève Raguenet pour bien définir son conte thérapeutique qui doit rester un « récit assez court d’aventures imaginaires », et, qui plus est, destiné à être raconté à une personne en particulier dans le cadre de la relation thérapeutique.

Aussi court soit-il, ce conte est néanmoins susceptible d’être prolongé en une succession d’épisodes s’enchaînant selon une progression et dans un climat de tension proche du drame.

Reprenant la définition de Propp, Geneviève Raguenet considère que tout conte doit suivre « un développement qui part d’une malfaisance ou d’un manque pour aboutir, après être passé par des fonctions intermédiaires, à des noces ou à d’autres fonctions utilisées comme dénouement : récompenses, conquêtes ou élimination d’un mal ».

Ainsi, la thérapie qui, naturellement, part d’une situation critique pour parvenir à dénouer des conflits en passant par des plans intermédiaires, trouve-t-elle dans le conte, un support tout particulièrement adéquat… surtout lorsqu’il s’agit d’établir un contact, de préférence ludique, avec des enfants.

 

Entrer dans le jeu thérapeutiqueconte thérapeutique pour enfant

Et il est un fait que le conte thérapeutique doit avant tout être vu comme une sorte d’appât pour éveiller la curiosité de l’enfant, attirer ses questions et susciter des associations.

C’est grâce à ce subterfuge que l’imagination, la sensorialité et l’affectivité de l’enfant vont être stimulées, et que le message caché du conte va pouvoir tracer son chemin.

Dès lors, le conte devient un objet transitionnel et un espace pour le jeu relationnel.

Or, comme l’expliquait Winnicott, « la psychothérapie étant un jeu entre deux personnes, le travail du thérapeute vise à amener le patient d’un état où il n’est pas capable de jouer à un état où il capable de le faire ».

Et, ici, grâce au conte, l’enfant va pouvoir on ne peut plus facilement entrer dans le jeu proposé par le thérapeute.

Inutile de dire, bien sûr, que cet appât du conte n’est pas neutre puisqu’il contient une interprétation de la problématique de l’enfant, et surtout qu’il annonce, ce faisant, que la difficulté est reconnue et qu’un heureux dénouement est possible.

On retrouve d’ailleurs, dans beaucoup de contes classiques, de magnifiques interprétations des problématiques infantiles les plus courantes.

  → « Le petit chaperon rouge », par exemple, peut apprendre à l’enfant à surmonter les ambivalences

  « Cendrillon » l’aide à dépasser les rivalités fraternelles

  « La belle au bois dormant » lui ouvre les portes de l’adolescence

  « Les trois petits cochons » l’incite à faire la part entre le principe de plaisir et le principe de réalité

  « Boucle d’or et les trois ours » le confirme dans sa recherche de l’identité

  « Jeannot et Margot » le pousse à sortir de l’oralité…

Mais le conte thérapeutique va évidemment plus loin, puisqu’il ne s’agit plus d’un conte standard, mais du produit de l’écoute d’un thérapeute et de son décodage des conflits de l’enfant.

 

Elaborer le conte

L’écoute du thérapeute est évidemment un élément essentiel de la thérapie, et doit d’ailleurs se prolonger en une véritable empathie, à la fois afin de ressentir plus profondément les problèmes du patient, et de lui montrer qu’on le rejoint dans sa souffrance et qu’on le comprend.

C’est ce que fait en premier lieu l’analyste et le psychothérapeute qui ne pourrait, sans cela, définir avec précision quelle histoire raconter à l’enfant.

Mais, après chaque entretien, il est nécessaire que ce thérapeute se livre également à un décodage des conflits en présence chez son patient.

Bien sûr, les caractéristiques du symptôme et du contexte de son évolution vont se préciser d’une séance à l’autre, permettant au thérapeute de poursuivre les épisodes suivants du conte thérapeutique d’une manière de plus en plus ciblée.

Car l’élaboration du conte doit toujours, et avant tout, donner au patient la possibilité de se reconnaître et de s’interroger sur son propre cas.

C’est donc à partir de la première rencontre et des informations données au thérapeute sur la problématique de l’enfant que va s’élaborer l’hypothèse de départ sur l’origine possible du symptôme, et, conséquemment, le sens général de l’histoire à imaginer.

Au-delà, c’est pratiquement à un travail poétique – au sens étymologique du mot – que va se livrer le thérapeute pour trouver les images qui conviendront le mieux au conte dédié à son patient.

Et, une fois que ces images et symboles auront émergé, le thérapeute les organisera alors en un récit cohérent. 

Et c’est ainsi que, séance après séance, le thérapeute cerne la logique inconsciente de l’enfant dans les mailles du filet du conte, et que les fondements de l’impasse symptomatique peuvent être saisis.

Toutefois, ce conte doit être utilisé avec habileté car, par l’emploi d’images proches du rêve, il est destiné à toucher aux trois niveaux du conscient, du préconscient et de l’inconscient, ainsi qu’un cheminement vers la sublimation et la symbolisation des pulsions et du refoulé.

« Le conte ouvre par son message symbolique les portes entre le conscient et l’inconscient. Il cache et dévoile en même temps la part de vérité qu’il veut dire, il capte l’imagination et l’entraîne au cœur du conflit inconscient. Il transforme, enfin, l’impasse en porte royale : Cendrillon devient princesse, le petit Poucet retrouve son chemin et le vilain petit canard parvient au royaume des cygnes », conclut Geneviève Raguenet.

 

La structure initiatique du Conte du Graal

Profondément initiatique et par conséquent thérapeutique, le merveilleux Conte du Graal de Chrétien de Troyes, dont la structure narrative a été remarquablement décryptée par Pierre Gallais, donne, peut-être plus que tout autre, une idée de ce qu’un conte peut induire, comme changements bénéfiques, chez un lecteur ou un auditeur.

Dans ce conte, comme dans certains autres du même auteur, on voit en effet se dérouler une succession d’événements répondant à une structure traditionnelle du plus haut intérêt tant au plan psychothérapeutique que spirituel.

Cette structure en spirale fait ainsi évoluer le héros tout au long d’un parcours en six étapes, comprenant :

1/ Au départ, ce que Pierre Gallais appelle « la cour » et qui représente la société dont le Sujet fait partie, son pays, sa famille, sa maison, une sorte de paradis paisible, personnel et intérieur, où rien ne se passe et où, par conséquent, le héros reste passif.

2/ La disjonction, où le héros se voit obligé de quitter son petit paradis personnel, et par la même occasion devenir actif. La raison de ce départ est généralement une injonction de sa société d’origine à laquelle on aura porté préjudice, à moins que ça ne soit un appel impérieux en provenance d’un autre monde.

3/ L’autre monde – destination obligée du héros dès lors qu’il décide de quitter son monde – représente donc l’ailleurs, l’extérieur, l’altérité, le dépaysement…

4/ Le combat, conséquence inéluctable de la rencontre de l’altérité, où le héros se trouve confronté à l’adversité, à l’infection, à l’enfer, mais où sa victoire va dépendre aussi de l’aide rencontrée dans cet autre monde en tant qu’il représente de nouvelles opportunités, de nouvelles connaissances.

5/ La conjonction, après la victoire, où le héros trouve ou retrouve quelque chose ou quelqu’un dont le manque l’angoissait. Ce peut être aussi l’occasion d’un amendement du Sujet.

6/ Le contrat, qui permet au héros de passer de la conjonction individuelle, à la réunion de son monde et de l’autre monde. Cet élargissement de la conciliation constitue la dernière étape du cercle mais, dans la mesure où le monde identitaire et l’autre monde s’y trouvent alliés malgré leur antinomie, se produit une confusion à la faveur de laquelle il devient possible de passer à un niveau supérieur de la spirale.

Et là, le héros se retrouve en 1, en un nouveau « chez lui », au départ d’un nouveau cycle de même nature mais, de cycle en cycle, toujours plus proche du centre de la spirale.

Ce contre quoi cette structure dynamique du conte initiatique lutte, c’est la stase, génératrice de névrose.

« Alternativement, le héros passe des états aux actions.

Si ce héros ne passe pas par la disjonction, chaque monde reste sur sa position, se retranche dans sa différence.

Si le héros ne combat pas, il ne connaît pas la conjonction, l’union heureuse.

Mais s’il cède à la tentation de s’enfermer dans cette union, et refuse de passer le contrat qui va vraiment nier l’altérité de l’autre monde, il n’y a rien de fait.

Il faut, au contraire, qu’il éprouve l’ardent désir du bien de tous, et passe le contrat, puis remonte vers la deuxième cour où il autorisera la joie de la cour » dit Pierre Gallais.

 Jean-Baptiste Loin 

A lire : 

La psychothérapie par le conte ” – Geneviève Raguenet – L’Harmattan

La psychanalyse des contes de fées ” – Bruno Bettelheim – Laffont

L’interprétation des contes ” – F. Flahaut – Denoël

L’interprétation des contes de fées ” – Marie-Louise Von Franz – Fontaine de pierre

La voie de l’individuation dans les contes de fées” – Marie-Louise Von Franz – Fontaine de pierre

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Christiane
Christiane
7 années il y a

Bonjour. J’ai 72 ans, suis initiée chamanisme Celte et Amérindien…Depuis un an, je suis Julien Luykx qui organise des méditations épiques en webinaire et c’est incroyable le travail intérieur qui se produit et tous les potentiels qui remontent à la surface… Je connais Bruno Bettelheim, car j’ai suivi l’école d’éducateurs spécialisés il y a 47 ans et m’intéressais beaucoup à ses recherches.

Vous faites bien de faire connaitre ces outils de transformation. de plus en plus de monde est en recherche, c’est le bon moment. *=D> applaudissement

Amicalement