L’hypnoanalyse, plus rapide que la psychanalyse

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docteur varma hypnoanalyse

Docteur ès lettres et docteur en psychologie clinique, Djayabala Varma enseigne au département de psychologie à l’Université Paris-Nord.

Il assure par ailleurs des formations en hypnothérapie. 

Lui-même grand spécialiste de l’utilisation de l’hypnose contre la douleur ou dans le cadre de programmes anti-tabac, il pratique également l’hypnoanalyse.

Avant la psychanalyse, Freud avait essayé d’analyser le patient sous hypnose. Pourquoi a-t-il abandonné cette technique ? 

A la fin du 19ème siècle, on ne pratiquait pas encore l’hypnose comme aujourd’hui. 

On ne lui connaissait en fait que deux applications : l’hypnoanalgésie, pour contrôler la douleur, et la suppression du symptôme. 

Les spécialistes français, tels que Bernheim ou Liebault, utilisaient les suggestions directes dans le but d’enlever le symptôme. 

Lorsqu’un patient se présentait avec un mal de tête, on le plongeait en hypnose rapidement et on lui disait « vous n’aurez plus mal à la tête »… 

Ca marchait très bien parce que, à l’époque, les médecins avaient un prestige beaucoup plus important sur le plan social qu’aujourd’hui, et que le patient acceptait plus facilement les suggestions. 

Au début de sa carrière, Freud est venu en France pour se former à l’hypnose auprès de Charcot à la Salpêtrière, et de Bernheim et Liebault à Nancy. 

Au commencement, il n’était pas contre cette forme d’hypnose directe.

D’ailleurs, de retour à Vienne, fasciné par ces travaux, il a même traduit en Allemand les deux ouvrages de Bernheim sur la suggestion et l’hypnose. 

Mais, avec le temps, il s’est rendu compte qu’une fois enlevé par suggestion directe, le symptôme pouvait revenir sous la même forme, ou sous une autre forme que l’on appelle « symptôme de substitution ». 

D’après Freud, le symptôme a une signification pour le patient et se rattache étroitement à sa vie psychique.

Et quand on ne tient pas compte de cela, ce symptôme revient. 

Là, il avait raison !

Il s’est donc écarté de l’hypnose pour développer l’association libre, l’analyse des rêves, etc., afin d’avoir accès à l’inconscient et d’aider ainsi le patient à comprendre le pourquoi du symptôme. 

Cela dit, il y avait en réalité de nombreuses autres raisons, beaucoup plus subjectives, à son rejet de l’hypnose.

 

Problèmes de transfert, peut-être aussi ?

Absolument ! 

Dans « Ma vie et la psychanalyse », son livre autobiographique, il raconte qu’après une séance d’hypnose dans un cadre hospitalier sa patiente était si contente qu’elle s’est jetée sur lui pour l’embrasser… au moment précis où un infirmier entrait dans le service. 

Et Freud était si gêné qu’il a préféré dire que l’hypnose créait un transfert massif impossible à gérer plutôt que d’accuser sa patiente d’avoir des mœurs légères. 

D’autre part, il n’était pas très à l’aise avec l’hypnose. 

Quand on lit les études sur l’hystérie, ouvrage qu’il a écrit en collaboration avec son confrère Joseph Breuer, on trouve le cas de Lucie R.

Freud hypnotisa cette demoiselle en lui disant « Mademoiselle, vous dormez ! ».

Ce à quoi elle répondit « Non, Docteur, je ne dors pas ».

Freud fut donc obligé de préciser : « Je ne parle pas de ce sommeil, je parle du sommeil hypnotique »… 

Bref, il était très mal à l’aise dans cette technique. 

Et puis il croyait aussi qu’il faut atteindre un état profond d’hypnose pour que le sujet soit guéri.

Alors que maintenant on sait que l’état profond n’est pas nécessaire. 

 

Depuis Freud, en quoi l’hypnoanalyse a-t-elle progressé ?

Au début du 20ème siècle, comme Freud était très influent, tout le monde laisse tomber l’hypnose. 

Puis vient la première guerre mondiale où beaucoup de personnes ont été traumatisées, et où il fallait une psychothérapie de courte durée, efficace et en profondeur. 

On a donc pensé associer l’hypnose à tout ce que Freud venait de découvrir en psychanalyse. 

C’est ce qui a donné l’hypnoanalyse.

Le mot vient de « hypnoanalysis », concept fondé par le Britannique Hadfield.

Toujours est-il que cette hypnoanalyse permettait de pratiquer une sorte de psychanalyse pendant que le patient était en état hypnotique.

Ainsi pouvait-on accéder plus rapidement à l’inconscient pour traiter les problèmes en profondeur. 

 

Existe-t-il plusieurs types d’hypnoanalyse, comme il existe plusieurs types d’hypnose ?

Il y a plusieurs manières de faire de l’hypnothérapie. 

Mais il faut d’abord distinguer entre hypnose et hypnothérapie. 

L’hypnose, c’est tout simplement un état modifié de conscience, un état de détente et de concentration de l’esprit. 

Ca s’arrête là ! 

Ce n’est pas l’hypnose qui guérit. 

L’hypnothérapie, quant à elle, consiste à utiliser cet état dans le cadre d’une psychothérapie brève. 

On a vu qu’à la fin du 19ème siècle, on enlevait le symptôme par suggestion directe, et que cette première hypnothérapie donnait de piètres résultats. Elle n’est donc pas conseillable. 

Mais on a dit aussi que, par la suite, une deuxième manière de pratiquer l’hypnothérapie avait vu le jour, consistant à faire une hypnoanalyse. 

Aujourd’hui, enfin, tout au moins dans l’hypnothérapie telle que je la pratique, il y a trois aspects.

Premièrement, il s’agit de découvrir l’événement qui est à la base du problème. On fait une régression en âge pour remonter souvent jusqu’à l’enfance… 

 hypnothérapie traumatismes enfance

C’est comparable à l’anamnèse psychanalytique ?

Tout à fait ! C’est là qu’on rejoint la psychanalyse. 

Freud disait que les problèmes actuels sont souvent dus à ce qu’on a vécu pendant l’enfance. 

En conséquence, l’hypnoanalyse utilise des techniques sophistiquées comme le pont d’affect ou les réponses idéomotrices où l’on interroge l’inconscient du sujet grâce aux mouvements de ses doigts.

 

Qu’est-ce que le pont d’affect ?

Prenons un exemple : une dame qui pleure constamment. 

Elle va à un concert, elle pleure. On raconte une blague, elle pleure. N’importe quelle situation où il y a de la joie déclenche chez elle des larmes. 

Elle a fait des années de psychanalyse et d’autres psychothérapies sans pouvoir être guérie. 

Elle vient me voir, et je lui fais ce qu’on appelle un pont d’affect, en remontant, en hypnose, jusqu’à la première fois où elle a connu ce problème. 

Elle me raconte alors qu’à trois ou quatre ans elle était une petite fille vive et joviale, mais que sa mère, qui était une directrice d’école très autoritaire et très sévère, ne supportait pas la vivacité de sa petite fille et la punissait en la battant chaque fois qu’elle s’amusait. 

Peu à peu, la petite fille s’est habituée à transformer tout moment de joie en tristesse. 

Plus tard, adulte, elle conserva cette habitude mais ne savait plus pourquoi elle était triste comme ça. 

Grâce à l’hypnoanalyse on découvre donc l’événement. 

C’est la première étape. 

Dans un deuxième temps, il faut atténuer l’affect associé à cet événement. 

J’ai donc poursuivi le traitement de cette patiente avec des techniques spéciales de visualisation, en lui demandant d’imaginer qu’elle était dans une chambre confortable. 

Devant elle, une cheminée avec un feu de bois ; sur une table, des factures déjà payées, représentant toutes les choses désagréables qu’elle a vécues avec la mère. 

Etant donné que ces factures sont déjà payées, elles n’ont aucune utilité aujourd’hui. Elle peut donc les brûler… et avec chaque feuille qui se transforme en cendre elle se sent de plus en plus libre de ces émotions qui la dérangent. 

Enfin, la troisième étape utilise les techniques cognitives afin de modifier les croyances erronées liées à l’événement. 

Cette petite fille, à quatre ans, s’est dit « je n’ai pas le droit d’être heureuse ». 

Cette croyance s’est développée parce qu’elle n’avait pas d’autre choix pour faire face à sa mère. 

Mais maintenant qu’elle est adulte, elle peut donner la permission à l’enfant qui est en elle d’être heureuse quand il faut être heureuse… et de pleurer quand il faut pleurer. 

C’est une redéfinition, une modification de la croyance, qui s’opère naturellement en état d’hypnose. 

D’ailleurs, une seule séance a suffit pour libérer cette patiente d’un problème qu’elle traînait depuis des années. 

 

Quels sont les avantages de l’hypnoanalyse par rapport à la psychanalyse ? 

La rapidité, bien sûr, puisqu’en très peu de séances on va au but. 

Pour des problèmes psychosomatiques comme la migraine, l’asthme, l’allergie ou le syndrome de l’intestin irritable, il faut compter une douzaine de séances, et pour des angoisses ou des phobies une vingtaine. 

Mais un autre avantage réside dans le fait que, dans l’hypnoanalyse, on intègre non seulement les notions qui viennent de la psychanalyse de Freud, mais aussi les méthodes cognitives qui aident à changer. 

Les techniques psychanalytiques permettent de comprendre le pourquoi du symptôme, et l’approche cognitive aide dans le « comment changer ». 

Les deux approches sont complémentaires. 

 

Quand et pourquoi entreprend-on une hypnoanalyse ?

Cette forme de psychothérapie s’applique à peu près à tout. Qu'est-ce que l'hypnoanalyse

Mais il y a certains problèmes pour lesquels on n’a pas besoin d’hypnoanalyse. 

Par exemple, quelqu’un qui se sent bien dans sa peau, qui n’a pas de problèmes émotionnels ou relationnels, pas de dépression ni d’angoisse,  mais qui doit s’arrêter de fumer, n’a besoin que de la série des quatre séances du programme anti-tabac.

Pour les verrues, non plus, il n’y a pas besoin d’hypnoanalyse. On fait un conditionnement sensoriel, c’est-à-dire qu’on provoque sous hypnose une hyperesthésie, une chaleur, localisée dans la verrue, qui va la faire disparaître. 

En revanche, pour d’autres problèmes comme les angoisses ou les phobies l’hypnoanalyse est indiquée. 

Dans la dépression c’est un peu différent puisqu’il faut d’abord orienter le patient vers le futur, mais on emploie aussi l’hypnoanalyse. 

Au-delà, cette hypnothérapie traite tous les comportements alimentaires, anorexie, boulimie, et les problèmes psychosomatiques comme migraines, asthme, allergie, insomnie… 

 

Vous disiez que les verrues ne nécessitaient pas d’hypnoanalyse. Mais la plupart des problèmes dermatologiques ne sont-ils pas psychosomatiques ? 

Effectivement, dans la plupart de ces affections, il y a des causes psychologiques. 

On le constate fréquemment : lorsqu’un dermatologue donne des médicaments contre l’eczéma ou le psoriasis, bien souvent ça disparaît pour revenir au bout d’un mois parce que les facteurs psychologiques n’ont pas été traités. 

Les causes psychologiques des problèmes psychosomatiques sont diverses. 

Ce peut être, par exemple, un problème d’identification. Lorsqu’une petite fille voit sa mère avoir la migraine, elle pourra, plus tard, avoir elle aussi la migraine. 

Ou bien un conflit intérieur. On fait une chose et en même temps son contraire. 

A moins que ce qu’on veuille faire soit en contradiction avec ce que l’entourage attend. Ce conflit crée une angoisse susceptible de se transformer en symptôme. 

Il peut aussi y avoir un événement traumatisant dans le passé, ou bien un sentiment de culpabilité, un besoin d’autopunition… 

Et tout cela, on peut l’explorer et le traiter en hypnoanalyse. 

 

Quels sont les mécanismes psychiques à l’œuvre dans le processus hypnoanalytique ?  les ressources de l'hypnoanalyse

Tout le monde a tendance à refouler les événements du passé les plus désagréables. 

Le patient ne s’en souvient donc pas consciemment. 

Or, en hypnose, ses résistances sont amoindries. On a donc plus facilement accès à du matériel inconscient. 

En psychanalyse, il faut que le transfert s’installe… et ça prend du temps. Alors qu’en hypnoanalyse la relation hypnotique génère presque immédiatement la confiance entre le patient et le thérapeute. 

De plus, l’insight, c’est-à-dire la prise de conscience de la cause du problème, arrive beaucoup plus rapidement en hypnoanalyse que dans la psychanalyse classique. 

Par ailleurs, l’hypnoanalyse entraîne une catharsis, une libération de l’affect bloqué au moment de l’événement traumatisant. 

Enfin, la thérapie hypnoanalytique permet d’intégrer les événements du passé dans le présent, de manière à ce que le passé cesse d’influencer négativement le présent. 

Reprenons un exemple. 

Une patiente qui a des problèmes respiratoires depuis la prime enfance, et qui subit une gêne respiratoire permanente,  aggravée en ville ou dans la fumée. 

Je fais une séance d’hypnoanalyse pour remonter au passé, jusqu’à la première fois où elle a connu ces difficultés…

On découvre que lorsqu’elle était un bébé de trois à six mois, en dormant, elle s’est étouffée avec son drap. 

On fait alors appel à l’adulte qui est en elle pour comprendre que ce n’est pas un événement qui risque de se reproduire dans le présent. 

L’adulte explique au bébé que maintenant l’événement est fini. 

Du moment où elle a compris l’origine du problème, elle peut se sentir libérée du symptôme. 

Dès qu’on comprend l’origine du symptôme, on se libère de toute émotion désagréable liée l’événement.

A la suite de la prise de conscience, il faut toutefois pratiquer une sorte de remaniement psychique où vont se trouver modifiées les croyances erronées sur soi et sur le monde. 

Mais au bout de ce travail, les résultats seront là !

 

Existe-t-il différents types d’hypnoanalyse comme on parle de différents types d’hypnothérapies ?

Ca dépend des praticiens. 

Certains pensent qu’il suffit de découvrir la cause des problèmes pour qu’ils soient résolus. 

A mon sens, ça ne se passe pas comme ça ! 

La prise de conscience, en soi, ne fait pas forcément disparaître le symptôme. 

Tous les psychiatres connaissent des cas où la prise de conscience suffit, mais ils savent aussi que dans d’autres cas le patient a très bien compris le pourquoi du symptôme… mais continue malgré tout de le subir.  

Dans mon approche, la prise de conscience n’est que la première étape, suivie de l’amoindrissement de l’affect, et de la restructuration qui constitue, en réalité, la part la plus importante. 

 

Comment l’hypnoanalyse s’articule-t-elle avec l’hypnothérapie ?

Mon approche n’est, bien sûr, qu’une manière de pratiquer l’hypnothérapie parmi tant d’autres. 

Les ericksonniens purs et durs, ne s’inquiétant pas du passé et ne cherchant qu’à modifier le présent à l’aide de métaphores ou en utilisant les ressources du patient, ne font pas d’hypnoanalyse. 

Mais, à mon avis, sur le plan culturel, en France les gens ont besoin de comprendre le pourquoi du symptôme. 

Si vous me permettez d’user d’une métaphore, je dirais que beaucoup d’hypnothérapies consistent à donner un poisson à quelqu’un qui a faim, alors que l’hypnoanalyse lui apprend à pêcher.

 Propos recueillis par Jean-Baptiste Loin 

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pascal fourdin
pascal fourdin
10 années il y a

Bonjour
Je suis interessé pa rla présentation et la démarche. je suis psychologue en cmp de culture analytique pratiquant des thérapies en face à face. Je suis curieux de tester comme de me former. merci à vous pour d’éventuelles informations. je réside dans le nord de la france.
Bien cordialement

Réponses Bio
Administrateur
10 années il y a
Répondre à  pascal fourdin

Pascal bonjour,

Voici le lien qui, je l’espère, répondra à votre demande :

http://www.institutsaktivarma-hypnose.com/-Formateurs-.html

Jean-Baptiste

Lingam
Lingam
5 années il y a

Bonjour, je ne sais pas si on peut dire que l’hypnoanalyse est plus efficace qu’une autre thérapie. Mais que c’est différent à bien des égards. L’hypnose est un outil thérapeutique qui ne peut être appliqué à tout le monde, ni de la même manière avec tout le monde (cf. Erickson). C’est un outil qui doit être adapté, donc l’hypnose peut ne pas « plaire » à tout le monde (voir peut se révéler un risque). C’est donc du point de vue de la personne de se laisser guider vers la thérapie qui lui convient. Il ne sert donc à rien de défendre… Lire la suite »