Un producteur de fruits exotiques bio partage son expérience  

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Fruits exotiques bio

De passage en France, Marc Binet, ancien consultant aidant les agriculteurs bio à réaliser leurs projets tout autour du monde, nous parle dans cette interview de son expérience acquise pour éviter les produits chimiques et les intrants ainsi que des subtilités du marché bio international existant actuellement.

Il y aborde entre autres la question du neem et nous aide par exemple à réaliser que l’agriculture bio n’est pas exclusivement une tendance occidentale.

Contrairement aux projets de loi européens et au désastre américain, depuis fort longtemps des pays comme le Japon ou la République de Singapour font des efforts tout particuliers pour rehausser le niveau de leur label bio.  

Réponses Bio : Marc Bonjour

Marc Binet : Bonjour

Pouvez-vous expliquer votre activité actuelle aux lecteurs de Réponses Bio ? 

Mon activité est simple, je suis agriculteur bio en Asie, plus précisément je produis des légumes, des fruits et des épices au Vietnam. 

Comment est-ce arrivé ? Est-ce quelque chose que vous aviez prévu de longue date ?

J’avais prévu de longue date de m’installer dans un pays étranger pour monter des fermes, mais je ne savais pas où exactement. 

Je pensais plutôt au Maroc, à la Tunisie, à l’Algérie ou à la Turquie, pays étant plus proches au niveau géographique. 

Et puis finalement c’est au fil de mes rencontres que le Vietnam a été choisi. 

Vous avez eu un coup de cœur pour le Vietnam ? 

Non, pas du tout. Ce n’est pas ce facteur qui a été déterminant. 

Ce choix vous est-il venu parce qu’il était difficile ou compliqué de faire de l’agriculture bio en France ?

Oui, entre autres choses. 

Il y avait ça, c’est difficile et compliqué de faire des grosses fermes en France, et puis le bio est très mal vu. 

Pouvez-vous nous raconter votre parcours ? Qu’est-ce qui vous a amené jusqu’à cette exploitation bio au Vietnam ? 

J’ai toujours travaillé autour de l’agriculture bio en général. 

Ensuite, j’ai été séduit par l’idée de monter des fermes et d’être agriculteur, puisque j’ai très longtemps été consultant en agriculture bio pour d’autres où j’avais l’occasion de monter des grandes fermes bio, de grands projets agricoles un peu partout dans le monde. 

J’ai aussi œuvré pour l’insertion des personnes ayant une difficulté à entrer dans le monde du travail, m’investissant dans l’importance du relationnel entre les patrons et les employés. 

Tout cela m’a progressivement amené à devenir moi-même agriculteur bio. 

Et je dois dire que toutes les connaissances réunies à travers le monde en observant un peu partout les méthodes traditionnelles, m’ont grandement aidé à penser et réussir ma propre exploitation au-delà des limites du bio. 

Sur le principe je ne pensais pas particulièrement aller travailler en Asie, mais finalement ça n’est pas plus mal, le Vietnam est assez central et le bio y est bien respecté. 

Par ailleurs il y a une grande variété de terrains, de cultures, ainsi qu’une impressionnante biodiversité. 

En dehors du fait que ce soit mieux accepté là-bas, est-ce que l’on peut dire qu’il est plus facile d’y faire du bio ? 

Non, en France il y a l’hiver, hiver où les insectes meurent et les maladies disparaissent, là-bas, c’est en quelque sorte toujours l’été, ou en tout cas il n’y a pas d’hiver marqué. 

Dans un climat tropical, les insectes et les maladies se développent tout au long de l’année sans laisser de répit à l’agriculteur. 

En revanche, c’est vrai qu’il est plus facile de mener de grands projets autour du bio en Asie, en France quand on dépasse plus de 5 hectares en bio on est tout de suite pris pour un fou. 

Et puis il y a les idées reçues, je veux dire qu’en France beaucoup de gens pensent que : 

  dès qu’on dépasse un certain volume on est un industriel, 

  dès qu’on utilise un tracteur on ne fait plus du vrai bio, 

  dès que l’on achète une voiture pour aller travailler on est considéré comme un vendu, etc.

En quoi consistait votre activité de consultant pour les maraîchers ? 

Eh bien j’aidais à monter des fermes dans des pays étrangers en participant tout particulièrement à résoudre les problèmes techniques et administratifs. 

Ce qui m’a en même temps permis, comme je le disais, de découvrir de nombreuses techniques bio un peu partout dans le monde, des techniques qu’utilisaient les anciens et qu’utilisent encore ceux qui travaillent à l’ancienne. 

Je réunissais ces informations pour élaborer des stratégies permettant d’équilibrer harmonieusement les cultures en évitant les intrants et les herbicides, mélangeant pieds de verveine, citronniers, pommiers ou encore manguiers.

Cela a été très formateur, et m’a permis d’acquérir une expérience de terrain sur un très grand nombre de cultures. 

Qu’est-ce que l’on peut penser des fruits exotiques bio qui arrivent en France ? 

Pour le moment il n’y en a pas beaucoup, voire vraiment très peu, on trouve parfois quelques ananas ou quelques mangues, mais même là, c’est loin d’être idéal. 

Ce n’est d’ailleurs pas facile du tout de produire de vrais fruits exotiques bio, parce qu’ils sont très attaqués par les maladies.  

Justement comment faites-vous pour préserver vos fruits des maladies et des insectes, sachant que votre production est parfaitement bio ? 

On travaille beaucoup en prophylaxie en amont de nos cultures, où on met beaucoup de plantes comme du romarin, de la verveine, du thym, des citronnelles de Madagascar, de quoi créer une biodiversité suffisamment vaste. 

Une technique vietnamienne, poussant ce concept à l’extrême, consiste par exemple à installer une colonie de fourmis jaunes sur les pommiers, en leur fabriquant de petites passerelles entre les branches à l’aide d’un simple fil. 

L’idée étant donc de créer un maximum de biodiversité, apportant un maximum d’insectes n’étant pas des ravageurs et permettant d’équilibrer l’écosystème, ce qui est largement bénéfique et suffit à protéger les cultures.  

Et est-ce qu’il vous arrive d’utiliser du neem en complément ? 

Oui, on en utilise beaucoup. 

On en consomme plus de 500 litres par an et on emploie aussi une bonne quantité de poudre de neem que l’on met aux racines des arbres pour les protéger des termites, par précaution on va jusqu’à faire un petit paillage de neem au pied des arbres. 

Et pour lutter contre les mauvaises herbes on utilise aussi des variétés de cacahuètes rampantes faisant de jolies petites fleurs jaunes. 

En tant qu’exportateur avez-vous un contrôle sur la qualité finale du produit avant qu’il ne se retrouve sur les étals, pour éviter l’ionisation ou l’apport de traitements liés au transport par exemple ? 

Alors pour commencer nous n’exportons pas en Europe, pour le moment nous ne fournissons que le marché asiatique dont la Chine et surtout le Japon, qui est très exigeant sur la qualité de ce qu’il importe. 

D’une part la qualité de nos fruits et légumes est réalisée avec soin et d’autre part le contrôle du marché asiatique est particulièrement strict. 

Non seulement on évite toute forme de pollutions chimiques sur les cultures, mais on trouve et on apporte en plus des solutions naturelles pour optimiser la fraîcheur des produits, comme l’huile essentielle de menthe et d’autres techniques de conservation bio qui marchent plutôt bien. 

L’organisme Ecocert qui vous suit se trouve en Asie ? 

Non c’est Ecocert France, juste à côté d’ici, dans le Gers. 

Et pourquoi faire venir Ecocert France ? 

Parce que j’ai plus confiance en Ecocert France qu’en Ecocert Indonésie ou Ecocert Vietnam, à qui il suffit de faire un chèque pour valider la production ! 

Et ce genre de certifications fallacieuses se payent cher ? 

Non ce n’est pas si cher, en tout cas ça coûte beaucoup moins que la certification en elle-même. 

Pour revenir à votre production, elle se trouve donc être largement au-dessus des normes d’Ecocert France ? 

Oui, largement. 

Par exemple Ecocert France ne se préoccupe absolument pas du compost, ou de la qualité de vie des employés, pourtant il faut bien des gens pour faire vivre tout ça, les courgettes ne vont pas se mettre toutes seules dans les paniers. 

Ce que je trouve personnellement dommage, puisqu’en France on peut facilement être bio sans être équitable. 

Le label bio japonais JAS (Japanese Agricultural Standard), est quant à lui bien plus évolué, intégrant le commerce équitable et le respect du facteur humain en général, et pas seulement. 

J’estime qu’en termes d’équité ce label est même au-dessus du label Demeter (Agriculture Biodynamique). 

Le label JAS est si exigeant que j’y ai dédié trois personnes à temps plein, uniquement pour répondre à la diversité de ses multiples facteurs. 

Pour revenir au neem, savez-vous pourquoi il est tant diabolisé et par conséquent interdit en Occident ? Et est-il vrai que Monsanto entretient une importante peur vis à vis de ce produit ? 

Eh bien le lobbying réalisé par Monsanto, qui nourrit effectivement une certaine peur d’un tel insecticide et fongicide naturel, a tout d’abord breveté la formule chimique du neem, puis racheté quelques usines produisant du neem pour s’assurer de la médiocre qualité de leur production. 

Par conséquent tous les paysans locaux étaient persuadés que le neem était inefficace, abandonnant rapidement cette option. 

Ensuite ils ont fait en sorte que cette loi ridicule interdisant l’utilisation du neem soit promulguée. 

Ils nourrissent effectivement une telle crainte que l’utilisation du neem se répande et mette à mal leur entreprise, qu’ils ont largement poussé cette loi étant subitement sortie de nulle part. 

Loi complètement aberrante qui ne permet qu’une dérogation à son utilisation, sans aucune raison apparente, pour le traitement des pommiers. 

Ils ont donc littéralement cadenassé ce produit, et ce très rapidement. 

Mais je pense que ce sera comme pour la stevia…

Lorsque j’étais plus jeune j’ai monté une association pour diabétiques avec quelques amis, réunissant notamment de nombreux médecins avec l’aide desquels nous demandions la légalisation de cette plante, qui à l’époque était elle aussi interdite. 

Nous savions à quel point cette merveilleuse plante peut être utile pour les diabétiques, et nous pensions donc que cette interdiction céderait rapidement devant un état de cause aussi évident, mais il n’y avait rien à faire, je me souviens même avoir évité de peu de sérieux problèmes avec la justice. 

Mais lorsqu’une marque de soda mondialement connue s’est mise à intégrer la stevia synthétique dans ses produits, elle a été pratiquement autorisée du jour au lendemain. 

Marc, merci pour ces réponses et le partage de ce parcours atypique !

Merci de vous y intéresser Jean-Baptiste. 

 Propos recueillis par Jean-Baptiste Loin 

 

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8 Commentaires
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fernand
7 années il y a

bonjour , N 1 : Monsanto est à vomir , ou mieux détruire ! 2 je ne connaissais pas l’utilisation du neem , mais ne poussant pas ici , il faut trouver son équivalent français , s’il existe ? 3 Le Japon meilleur – ? -bio , ou plus sévère ? 4 Sans les terres pollués et détruites , l’Europe et la France en particulier , pourraient être entièrement bio , et en exporter , alors que c’est maintenant le contraire pour la France ! Le climat avec un hiver est donc plus facile pour cultiver ? La solution à… Lire la suite »

Hélène
7 années il y a

Merci

Linda
7 années il y a

Toujours un plaisir de vous lire.

Choquant de voir que des lobby comme Mosanto soit aussi puissant alors qu’il nous empoisonne uniquement pour augmenter leur profit!! Quand est ce que le peuple du monde va se réveiller et les faire taire une bonne fois pour toute. J’espere que leur vrais visage seront percés en plein jour. Avant qu’il ne soit trop tard….

Janine
7 années il y a

A qu and la fin de MONSENTO qui pollue tant et tant de monde !

Jeannine
7 années il y a

Bonjour,

Edifiant le contenu de votre interview avec l’agriculteur BIO au Vietnam, à propos de l’utilité du Neem dont Monsanto réfute les qualités.

Nous sortirons-nous un jour des attaques de Monsanto qui défend son business d’empoisonneur ?

Bernard
7 années il y a

Merci pour toutes ces informations si précieuses

Vermerso
7 années il y a

Merci.

Houcine
Houcine
7 années il y a

Merci ! L’agriculture bio en Algérie une utopie.