
Depuis 2007 une quantité non négligeable de molluscicides, pesticides et fongicides est autorisée dans le label bio.
Depuis 2010 la présence réglementée d’une petite quantité de pesticides et d’O.G.M. non autorisés en bio est tout de même tolérée, dans la mesure où elle est liée à des pollutions limitrophes.
Aujourd’hui un nouveau projet de loi européen qui sera voté en hâte d’ici le 30 juin 2017 par la présidente maltaise sortante du conseil de l’Europe, propose des réformes risquant de dénaturer encore davantage la certification bio.
Quels sont les enjeux ? Peut-on encore se fier au cahier des charges de la bio ? A qui cela profite-t-il vraiment ?
Non conscients de l’appropriation progressive du label bio par l’industrie agroalimentaire, beaucoup de consommateurs croient encore que manger bio les met totalement à l’abri des pesticides, additifs alimentaires et O.G.M.
Et, bien qu’il soit indéniable que cette certification offrait une barrière considérable face aux innombrables pollutions contaminant végétaux, préparations alimentaires et produits de santé, ce n’est malheureusement plus le cas depuis des années.
Voici par un exemple un document officiel recensant une douzaine d’intrants donnant lieu à des dizaines de marques autorisées par le label bio en tant que pesticides, fongicides et molluscicides, sous couvert d’être « d’origine naturelle ».
D’origine naturelle peut-être, mais évidemment pas sans danger pour la santé.
A cela vient s’ajouter la présence non volontaire de pesticides et d’O.G.M. susceptibles de se disséminer depuis un champ voisin vers des cultures bio.
Et si cette proportion n’est permise que dans la limite d’un seuil de 0,9%, cela n’en demeure pas moins un problème ayant déjà fait couler beaucoup d’encre et amenant certains, dont la rédaction de Réponses Bio, à considérer que l’éthique du label bio est en voie de disparition.
La preuve en est que de nouvelles mesures vont être votées en toute hâte par l’U.E. afin de réviser arbitrairement le cahier des charges de la bio, à l’avantage de l’économie européenne et au détriment des consommateurs.
Certes, il est difficile et contraignant de cultiver un champ bio à l’écart de parcelles non bio et d’échapper ainsi aux produits chimiques conçus pour se répandre (lire mon article sur Monsanto-Bayer) à travers les nappes phréatiques et l’atmosphère, cependant cela n’a rien d’impossible.
Le seul problème étant que cette contrainte peut nuire à l’économie de la bio dont, selon l’Agence Bio, la valeur des achats en France pour les seuls produits alimentaires est estimée à plus de sept milliards d’euros en 2016… évidemment perçue par les gouvernements de l’U.E. comme un véritable manque à gagner.
On comprend donc mieux pourquoi commencer à y tolérer pesticides, O.G.M. et additifs alimentaires est à leurs yeux devenu indispensable pour l’essor économique de ce secteur.
Additifs alimentaires ?
Oui, bien que les additifs alimentaires ne fassent, quant à eux, pas partie des pollutions involontaires que rencontrent les agriculteurs bio, 48 additifs dont voici la liste, sont bien admis en bio, et la moitié d’entre eux sont considérés à raison comme très toxiques, toxiques ou douteux.
Un projet de loi abattant les derniers remparts de la bio
Ces trois dernières années, de nombreux échanges parlementaires entre les instances décisionnaires de la commission européenne ont eu lieu afin d’harmoniser les seuils de contamination autorisés dans le label bio européen.
Seuils qui ont encore été bousculés à la dernière minute par la mise sur le tapis de nouveaux compromis proposés par la présidente maltaise de l’U.E., souhaitant en profiter pour clore ce dossier avant la fin de son mandat, à savoir le 30 juin.
Visant essentiellement à élargir les critères d’acceptation des produits non bio, ce projet de loi suggère :
→ D’accepter la culture bio hors sol pour les trois pays scandinaves et les trois pays baltes de l’Union ne pouvant pas profiter du label à cause des conditions climatiques.
→ De laisser chaque Etat de l’Union fixer un seuil de contamination lui semblant acceptable, créant ainsi une disparité qui mènera vraisemblablement à de nombreuses autres incohérences avant que ces derniers soient harmonisés dans le label bio européen.
→ D’élargir le contrôle annuel des denrées bio à deux ou trois ans, signifiant une plus grande facilité de fraude pour des récoltes et produits ne répondant pas à ces critères, déjà largement revus à la baisse.
Ces trois points impliquant également que la certification bio ne soit plus liée à une expertise sur les exploitations accréditées par la bio, mais à de simples analyses, qui comme tout le monde le sait sont plus faciles à falsifier et risqueraient de généraliser des cultures hors sol ou en serre.
Le projet de loi de l’actuelle présidente de l’U.E., décidément tournée vers les bénéfices supplémentaires que pourrait générer cette filière, n’est évidemment pas pour déplaire à de nombreux lobbies agroalimentaires et enseignes d’hypermarchés tirant toujours un peu plus le cahier des charges de la bio vers le bas.
Pour tenter d’y voir plus clair, Réponses Bio a interviewé Bastien Fitoussi, responsable des Filières Biologiques Coop de France Agroalimentaire, porte-parole du signal d’alarme envoyé à la presse par une demi-douzaine d’organismes défendant l’agriculture bio française dont notamment Synabio, la FNAB, CEBIO, Agriculture et Territoires et Synadis Bio.
Ces derniers demandent au Ministre de les recevoir afin de défendre leur point de vue, exprimant un refus catégorique de revoir le cahier des charges en ces termes, qu’il considèrent comme un coup fatal à l’éthique qu’ils défendent.
Selon Monsieur Fitoussi, il y aurait actuellement seulement 10 représentants du conseil européen qui seraient en défaveur de ce nouveau projet de loi contre 16, qui se prononceraient pour.
Il insiste d’ailleurs sur le fait que les organisations françaises sont unies pour une agriculture biologique refusant ce genre de compromis.
Malheureusement, le Ministre venant de prendre ses fonctions suite aux élections présidentielles, n’aurait « pas eu le temps » d’ouvrir ce dossier, ce qui implique sans doute que cette loi déclassant la bio au rang de label sans éthique, sera bel et bien votée d’ici la fin du mois.
Prudence et discernement
Si le label bio ne tient plus ses promesses, une fois de plus, il n’est certes pas question de tout écarter en masse, mais de redoubler de prudence avec les produits bio dont l’éthique est finalement entre les mains des cultivateurs et des entreprises proposant de nouvelles préparations.
Etre attentif à l’origine, aux traitements ou plutôt à l’absence de traitement, et rester extrêmement prudent vis à vis des additifs nocifs susceptibles d’être utilisés.
Un produit non labellisé acheté chez un producteur local pouvant parfois être plus que bio, et un produit labellisé s’avérer pratiquement aussi nocif que les autres.
Ainsi les consommateurs, à qui l’on ne donne jamais voix au chapitre, détiennent en réalité le seul véritable pouvoir déterminant le futur des cultures et des produits de consommation, le pouvoir d’achat.
Vous avez déjà fait évolué la majorité des cultures et des enjeux en apportant votre soutien au label bio, il convient à présent d’aller encore au-delà !
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Excellent article, merci infiniment. Il faudra se concentrer sur les marques qui
ne suivront pas cette nouvelle loi, à condition de savoir lesquelles …quelle a été
la réaction de Biocoop ??