Les principes de la diététique chinoise classique

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cuisine et diététique chinoises

« L’énergie pure part de l’estomac pour arroser les cinq organes.

La nourriture de saveur aigre alimente le foie, de saveur amère alimente le cœur, de saveur douce alimente la rate, de saveur piquante alimente les poumons, de saveur salée alimente les reins ? » Chapitre 56 Wangdi Neijing (Traité de Médecine Interne de l’Empereur Jaune)

Plus de vingt siècles après Platon et Hippocrate, l’Occident feint de redécouvrir que l’aliment peut entretenir la santé et, parfois même, guérir la maladie.

On se précipite donc sur de nouvelles théories du professeur Untel et on évoque pompeusement les pouvoirs des nutriments et les bienfaits de la nutrithérapie après avoir jeté aux orties les théories orientalistes de la macrobiotique.

Etiemble lui-même fustigeait à son époque « les zozotes qui yanguisent ou yinisent leurs aliments ».

Il suffira que la crise d’adolescence boutonneuse se soit enfin calmée pour prendre conscience que la médecine chinoise classique considérait, il y a déjà trois mille ans, la nourriture comme le moyen privilégié d’entretenir la santé et de traiter, préventivement et curativement, de nombreuses affections.

Il y a encore quelques années, hormis quelques rares cas isolés comme le bon docteur Pomiane, le corps médical, bien que bénéficiant le plus souvent d’un sérieux coup de fourchette, considérait encore le cuisinier comme l’ennemi héréditaire de la santé d’autrui.

Depuis, les choses ont évolué et ces mêmes cuisiniers se sont transformés en diététiciens, vantant à qui mieux-mieux les mérites des huiles monoinsaturées ou le pouvoir anticholestérolémique de l’œuf de poule dûment fécondé, alors que certains de nos plus grands professeurs en médecine se font l’apôtre du boudin noir ou du confit d’oie.

A qui se fier ?

Par ailleurs, l’épisode de la vache folle, certes lointain maintenant, a démontré qu’il devient risqué de confier sa santé et ses illusions, voire le pouvoir, aux scientifiques œuvrant dans le domaine de l’alimentation industrielle.

De leur côté, les USA n’ont jamais tant étudié, commenté, évalué la fameuse diététique dite méridionale ou scientifique.

Étrangement, ils comptent le plus fort pourcentage au monde d’obèses, de diabétiques, de malades du cœur et de dépressifs.

Un directeur de l’OMS lui-même, constata en son temps que les maladies carentielles ont atteint un seuil alarmant dans les pays dits industrialisés et que les pays considérés euphémiquement comme en voie de développement, lorsqu’ils disposent de leurs aliments traditionnels, se nourrissent mieux que nous.

Une étude effectuée de part et d’autre de la frontière américano-mexicaine démontre que les individus issus de la même origine souffrent, du côté américain, d’obésité, de diabète, d’insuffisance cardiaque et respiratoire et de diverses affections, alors que leurs congénères mexicains se portent comme des charmes.

Les premiers sont conseillés pas les nutritionnistes, les diététiciens et les industriels tandis que les autres se contentent de leur nourriture traditionnelle et ancestrale.

Tout cela devrait inciter à la réflexion et à un peu plus de sagesse, sinon de simple bon sens.

Il n’est pas nécessairement indispensable de se nourrir comme un Chinois du bas Shanxi pour éviter l’artériosclérose.

Il est par contre, peut-être, intéressant de se pencher un peu plus sur les principes qui animent l’alimentation traditionnelle chinoise.

Le peuple le plus nombreux de la planète, et certainement l’un des plus vigoureux, semble ne pas trop avoir à se plaindre de ces principes et, lorsqu’il dispose des moyens suffisants, produit une cuisine qui ne laisse pas indifférents certains gourmets.

D’après Curnonsky, pourtant quelque peu chauvin, la cuisine française ne dépasse la cuisine chinoise au rang de la première place mondiale qua grâce au renfort du fromage et du vin.

Il est pourtant probable que notre gourmet n’avait pas eu l’occasion de visiter toute la Chine et de goûter les plats de ses meilleurs chefs.

Il aurait peut-être été d’un avis différent.

Au train où vont les choses, il semble que la Chine sache maintenir une bonne partie de ses traditions culinaires ancestrales alors que la France se tourne résolument, pour la majorité de ses habitants, vers le hamburger, la pizza, le panini, le chili con carne et la nourriture internationale sous-vide à réchauffer au micro-ondes.

Pour beaucoup de nos concitoyens les ersatz de restaurant chinois à bon marché font déjà figure de relais gastronomique au regard de ce qu’on leur propose dans le domaine de la cuisine française de base.

Les Italiens eux-mêmes semblent plus motivés que nous à protéger leur patrimoine culinaire et de nombreuses associations telles que Slow Food, en réaction contre l’envahissant fast-food, réhabilitent l’authentique cuisine régionale.

En France, cette dernière, en dehors de quelques familles résistantes, disparaît au profit d’une restauration pseudo-régionale et tape-à-l’œil proposant de la glace à la bière brune ou du ris de veau braisé au pain d’épices (Inventaire du Patrimoine culinaire de la France Nord-Pas-de-Calais).

Les règles fondamentales de la diététique et de la gastronomie chinoises

Elles sont parfaitement définies dans le chapitre 56 du Neijing (Livre de Médecine Interne de l’Empereur Jaune) ainsi que, plus anciennement encore, dans le chapitre 8 du Liji (Li Ki) ou Livre du Rituel.

Concernant la nutrition, donc la diététique et la gastronomie, dans la tradition chinoise classique, il s’agit avant tout de respecter la nature, les saisons, les besoins et la satisfaction tant intellectuelle que physique du groupe et de l’individu.

L’accent est donc porté sur des produits naturels, que l’on peut qualifier de terroir, parvenus à maturité à la juste saison, cuisinés avec respect et consommés avec plaisir.

Le qualitatif prime donc toujours sur le quantitatif tant dans la proportion des produits utilisés que dans leur choix.

Un des exercices de base des pratiques taoïstes liées à la nutrition consiste, par le biais d’une posture assise ou agenouillée et de mouvements liés à la respiration, à apprendre, simplement et naturellement, à :

  voir (Est, Bois, matin et Printemps)
  toucher (Sud, Feu, midi et Eté)
  sentir (Ouest, Métal, soirée et Automne)
  écouter (Nord, Eau, nuit et Hiver)
  et à goûter (Centre, Terre, après-midi et périodes inter-saisonnières).

Quelle meilleure façon d’apprendre à faire son marché et à choisir ses aliments ?

Cet exercice, dont on retrouve d’ailleurs les données techniques dans les arts martiaux japonais, se nomme simplement « le Salut » (Jingli).

On juge souvent, sans les connaître, les techniques chinoises comme compliquées et incompréhensibles… quelle simplicité pourtant dans ce principe : être disponible pour voir, toucher, sentir, écouter, goûter, afin d’obtenir l’harmonie.

Simple et utile…

Dans les principes énoncés par l’Empereur Jaune, les saveurs influent profondément sur les organes et peuvent en renforcer ou en modifier l’énergie, donc la fonction.

C’est également vrai pour les textures, les couleurs, les odeurs.

Ces dernières peuvent, et doivent, êtres modifiées par la cuisson.

La cuisson entre donc pour une grande part tant dans le domaine de la gastronomie que dans le domaine de la diététique puisqu’elle modifiera la forme, les caractéristiques organoleptiques et les énergies des aliments.

Une fois encore, la théorie des Cinq Mouvements est mise à contribution puisque la cuisson par :

  le Bois (à l’huile, sauté ou frit),
  le Feu (à la flamme, grillé ou rôti),
  la Terre (récipient de terre fermé, braisé ou étouffé),
  le Métal (récipient de métal, bouilli ou blanchi),
  et par l’Eau (vapeur, cuisson à la vapeur directe ou au bain marie),

est utilisée pour cuisiner les aliments en fonction de leur élément propre, de la saison ou de la recette particulière.

Ces différentes cuissons peuvent, par ailleurs, être combinées.

L’un des cas les plus significatifs est le riz sauté (Chow Fan), nommé en France « riz cantonnais » et qui est traditionnellement servi à la fin des grands repas ou les lendemains de fête.

Il permet de rééquilibrer l’organisme, après un éventuel excès festif, tant par l’usage des couleurs que des saveurs, des textures, des odeurs et des cuissons.

  Le riz (blanc) correspondant au métal est cuit à l’eau dans un récipient de métal fermé.

  Afin de tempérer son énergie, il est ensuite, en remuant, sauté avec un peu d’huile (Bois).

  Il est accompagné de jambon du Hunan ou de saucisses chinoises (rouge) grillé(es) (Feu).

  On y ajoute également des petits pois ou des pois mangetout (vert) juste sautés (Bois), des champignons (noirs) trempés et cuits longuement (Eau) et d’œuf battu (jaune) cuit à l’étouffée et parfumé aux cinq épices (Terre).

Métal, Eau, Bois, Feu et Terre, donc les Cinq Mouvements ou éléments, sont présents et équilibrés là aussi, au niveau de la couleur, de l’odeur, de la texture et de la cuisson dans un plat unique.

Inutile d’expliquer cela à votre cuisinier chinois préféré, il se contente de cuisiner comme le faisait son père, son maître, son professeur ou son prédécesseur.

Mieux vaut faire que savoir.

Ce même Empereur jaune explique, ensuite, quelles sont les saveurs conseillées ou déconseillées en cas de maladie.

« La saveur douce convient lorsque le foie est malade, la saveur piquante est conseillée si le cœur est malade, la saveur salée est conseillée si la rate est malade, la saveur aigre est conseillée si les poumons sont malades, la saveur amère est conseillée si les reins sont malades.

Au contraire, si le foie est malade il convient d’éviter l’excès de saveur piquante.

Si le cœur est malade il convient d’éviter l’excès de saveur salée.

Si la rate est malade il convient d’éviter l’excès de saveur aigre.

Si les reins sont malades il convient d’éviter l’excès de saveur douce.

Si les poumons sont malades il convient d’éviter l’excès de saveur amère. »

D’autres ouvrages donnent des listes d’aliments conseillés ou déconseillés ainsi que de multiples recettes spécifiques à des maladies courantes.

Ces recettes comportent, bien évidemment, les modes de cuisson ainsi que les ingrédients complémentaires, épices et condiments, nécessaires au rétablissement de la santé.

Il est possible de citer plusieurs ouvrages importants sur ce sujet précis de la diétothérapie :

  le Traité de diététique et d’hygiène (Cheou Tsin Yang Lao Sin Chou) de Tseou Hong rédigé sous l’Empereur Tchen Tsong (1295-1307)

  les Eléments de diététique raisonnée (Yin Chan Tcheng Yao) de Hou Sseu Houei présenté en 1330 à l’Empereur Mongol Jen Tsong.

Ces ouvrages spécialisés proposaient divers régimes et recettes et affirmaient en préambule que l’alimentation guérit différentes maladies.

Ils n’ont été, bien évidemment, que très partiellement traduits et utilisés en Occident.

Depuis quelques années, la diétothérapie redevient à la mode en Chine et un ouvrage en langue française est même disponible dans certaines librairies spécialisées : La diétothérapie chinoise par Cai Jingfeng, édition en langues étrangères Beijing.

Plusieurs acupuncteurs se sont également spécialisés dans cette discipline ancestrale qui complète tant l’action des aiguilles et des mokas que celle du massage ou des pratiques psychosomatiques.

Demeurer en bonne santé ou soigner des maladies par le biais de la nourriture est donc, au sein de la médecine chinoise, une réalité vécue.

Cela n’empêche nullement le plaisir ou le respect de la nature, au contraire !

 Georges Charles

Pour apprendre la diététique et la diétothérapie traditionnelles chinoises, retrouvez-moi sur cette page

Les Secrets de la Cuisine Chinoise

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10 Commentaires
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Martine
6 années il y a

Merci beaucoup.

Michelle
6 années il y a

merci infiniment!

Michel
6 années il y a

Merci

Très complète informations

Christiane
6 années il y a

merci

Tulay
6 années il y a

Merci

Marianne
Marianne
6 années il y a

Bonjour JB, Oui enfin la recette du riz cantonnais n’est plus à démontrer, mais quand à la nourriture « saine » des Chinois, c’est tout relatif. C’est oublier que les chinois qui mangent tout ce qui bougent autour d’eux sont aujourd’hui dans l’obligation de faire des fermes d’élevage de tout ce qui bouge pour pouvoir s’alimenter. C’est pourquoi avec l’ouverture de leur pays ils voyagent et deviennent friands des vins et fromages entre autre et pourquoi en Europe parce qu’on est plus proche du sol que les américains. Mais ces derniers progressent surtout côté Californien. Alors restons Zen pour moi… Lire la suite »

Donatien
Donatien
6 années il y a

Bonjour !
Merci de la missive et tout le contenu à ma disposition. Prière
prochainement penser à me faire vivre de la plante medicinale MORINGA
et ces bien faits
Que Dieu vous comble sa bénédiction

Sil
Sil
6 années il y a

J’ai adoré votre mail
Merci

bernard
bernard
5 années il y a

Merci !

Avant le cuisinier, il y a le jardinier, ainsi est-il prudent de cuisiner sa production, faire son jardin ?
Cé n’est peut être pas un hasard si au fil du temps les productions sont différentes?

Yolande
5 années il y a

MERCI !